Les mèches commençaient à m'ombrer le front
Devant la grande porte je cueillais des fleurs
Sur un cheval de bambou tu venais vers moi
Autour d'un lit de pierre on jouait aux prunes vertes
Habitant tous deux le village de Chang-gan
Tous deux, à l'âge tendre, innocents, candides...
A quatorze ans, je devenais ton épouse
Rougissante, timide, pas un seul sourire
Yeux baissés, je me cachais à l'ombre du mur
Cent fois tu m'appelais, je ne répondais pas !
A quinze ans, je me suis enfin déridée
Unie à toi comme poussières et cendres
Jurant fidélité, comme l'"Homme au Pilier"
Que m'importait de monter au "mont du Guet"
Quand j'eus seize ans, tu es parti très loin
Aux gorge Qu-tang où se dresse le Yan-yu
En mai, qui peut l'affronter sans périr ?
Les cris des singes déchirent le ciel !
Devant la maison, d'anciennes traces de pas
Une à une recouvertes de mousse épaisse
Si épaisse qu'on renonce à la balayer
Et ces feuilles tombées d'un automne précoce...
Huitième mois : les papillons d'or voltigent
Deux par deux dans l'herbe du jardin d'ouest
Le temps fuit : qui n'aurait le cœur serré
En voyant si vite se faner la beauté ?
Que vienne le jour où tu descendras San-ba
Par avance fais-nous parvenir la nouvelle !
Aller vers toi, y a-t-il distance qui compte ?
D'une traite j'irai aux Sables-du-long-vent !