Peu de temps après, j'étais conduit de nouveau devant le juge d'instruction. Il était deux heures de l'après-midi et cette fois, son bureau était plein d'une lumière à peine tamisée par un rideau de voile. Il faisait très chaud. Il m'a fait asseoir et avec beaucoup de courtoisie m'a déclaré que mon avocat, « par suite d'un contretemps », n'avait pu venir. Mais j'avais le droit de ne pas répondre à ses questions et d'attendre que mon avocat pût m'assister. J'ai dit que je pouvais répondre seul. Il a touché du doigt un bouton sur la table. Un jeune greffier est venu s'installer presque dans mon dos. 不久之后,我又被带到预审推事面前。时间是午后两点钟,这一次,他的办公室里很亮,只有一层纱窗帘挡住阳光。天气很热。他让我坐下,他很客气地对我说,我的律师“因为不凑巧”没有能来。但是,我有权利不回答他的问题,等待我的律师来帮助我。我说我可以单独回答。他用指头接了按桌上的一个电钮。一个年轻的书记进来,几乎就在我的背后坐下了。
Nous nous sommes tous les deux carrés dans nos fauteuils. L'interrogatoire a commencé. Il m'a d'abord dit qu'on me dépeignait comme étant d'un caractère taciturne et renfermé et il a voulu savoir ce que j'en pensais. J'ai répondu : « C'est que je n'ai jamais grand-chose à dire. Alors je me tais. » Il a souri comme la première fois, a reconnu que c'était la meilleure des raisons et a ajouté : « D'ailleurs, cela n'a aucune importance. » Il s'est tu, m'a regardé et s'est redressé assez brusquement pour me dire très vite : « Ce qui m'intéresse, c'est vous. » Je n'ai pas bien compris ce qu'il entendait par là et je n'ai rien répondu. « Il y a des choses, a-t-il ajouté, qui m'échappent dans votre geste. Je suis sûr que vous allez m'aider à les comprendre. » J'ai dit que tout était très simple. Il m'a pressé de lui retracer ma journée. Je lui ai retracé ce que déjà je lui avais raconté : Raymond, la plage, le bain, la querelle, encore la plage, la petite source, le [97] soleil et les cinq coups de revolver. À chaque phrase il disait : « Bien, bien. » Quand je suis arrivé au corps étendu, il a approuvé en disant: « Bon. » Moi, j'étais lasse de répéter ainsi la même histoire et il me semblait que je n'avais jamais autant parlé. 我们俩都舒舒服服地坐在椅子上。讯问开始。他首先说人家把我描绘成一个生性缄默孤僻的人,他想知道对此我有什么看法。我回答说:“因为我没什么可说的,于是我就不说话。”他像第一次一样笑了笑,承认这是最好的理由,接着又补充了一句:“再说,这无关紧要。”他不说话了,看了看我,然后相当突然地把身子一挺,很快地对我说:“我感兴趣的,是您这个人。”我不大明白他说的是什么意思,没有回答。他又说:“在您的举动中,有些事情我不大明白。我相信您将帮助我理解。”我说一切都很简单。他让我把那天的情形再讲一遍。我把对他讲过的东西又说了一遍:莱蒙、海滩、游泳、打架,又是海滩、小水泉、太阳和开了五枪。我每说一句,他都说:“好,好。”当我说到直躺在地上的尸体时,他同意地说道:“很好。”而我呢,翻来覆去地说一件事已经让我烦了,我觉得我从来没有说过这么多的话。
Après un silence, il s'est levé et m'a dit qu'il voulait m'aider, que je l'intéressais et qu'avec l'aide de Dieu, il ferait quelque chose pour moi. Mais auparavant, il voulait me poser encore quelques questions. Sans transition, il m'a demandé si j'aimais maman. J'ai dit : « Oui, comme tout le monde » et le greffier, qui jusqu'ici tapait régulièrement sur sa machine, a dû se tromper de touches, car il s'est embarrassé et a été obligé de revenir en arrière. Toujours sans logique apparente, le juge m'a alors demandé si j'avais tiré les cinq coups de revolver à la suite. J'ai réfléchi et précisé que j'avais tiré une seule fois d'abord et, après quelques secondes, les quatre autres coups. « Pourquoi avez-vous attendu entre le premier et le second coup ? » dit-il alors. Une fois de plus, j'ai revu la plage rouge et j'ai senti sur mon front la brûlure du soleil. Mais cette fois, je n'ai rien répondu. Pendant tout le silence qui a suivi le juge a eu [98] l'air de s'agiter. Il s'est assis, a fourragé dans ses cheveux, a mis ses coudes sur son bureau et s'est penché un peu vers moi avec un air étrange : « Pourquoi, pourquoi avez-vous tiré sur un corps à terre ? » Là encore, je n'ai pas su répondre. Le juge a passé ses mains sur son front et a répété sa question d'une voix un peu altérée : « Pourquoi ? Il faut que vous me le disiez. Pourquoi » Je me taisais toujours. 他停了一会儿,站起来,对我说他愿意帮助我,我使他感兴趣,如果上帝帮忙的话,他一定能为我做点什么。不过在此之前,他想问我几个问题。开门见山,他问我是不是爱妈妈。我说:“爱,像大家一样。”一直有节奏地敲着打字机的书记一定是按错了键子,因为他很不自在,不得不往回退机器。推事又问我——表面上看不出有什么逻辑性——,是不是连续开了五枪。我想了想,说先开了一枪,几秒钟之后,又开了四枪。于是他问:“为什么您在第一枪和第二枪之间停了停?”这时,我又看见了那阳光火爆的海滩,我又感到了太阳炙烤着我的额头。但是这一次我什么也没说。在一片沉默中,推事好像坐立不安。他坐下来,抓了抓头发,把胳膊肘支在桌子上,微微朝我俯下身来,神情很奇特:“为什么,为什么您还往一个死人身上开枪呢?”这个问题,我也不知道如何回答。推事把双手放在前额上,重复了他的问题,声音都有点儿变了:“为什么?您得对我说。为什么?”我一直不说话。
Brusquement, il s'est levé, a marché à grands pas vers une extrémité de son bureau et a ouvert un tiroir dans un classeur. Il en a tiré un crucifix d'argent qu'il a brandi en revenant vers moi. Et d'une voix toute changée, presque tremblante, il s'est écrié : « Est-ce que vous le connaissez, celui-là ? » J'ai dit : « Oui, naturellement. » Alors il m'a dit très vite et d'une façon passionnée que lui croyait en Dieu, que sa conviction était qu'aucun homme n'était assez coupable pour que Dieu ne lui pardonnât pas, mais qu'il fallait pour cela que l'homme par son repentir devînt comme un enfant dont l'âme est vide et prête à tout accueillir. Il avait tout son corps penché sur la table. Il agitait son crucifix presque au-dessus de moi. À vrai dire, je l'avais très mal suivi dans son raisonnement, d'abord parce que j'avais chaud et qu'il y avait dans son cabinet de grosses mouches qui se posaient sur ma figure, et aussi parce qu'il me faisait un peu peur. Je reconnaissais en même temps que c'était ridicule parce que, après tout, c'était moi le criminel. Il a continué pourtant. J'ai à peu près compris qu'à son avis il n'y avait qu'un point d'obscur dans ma confession, le fait d'avoir attendu pour tirer mon second coup de revolver. Pour le reste, c'était très bien, mais cela, il ne le comprenait pas. 突然,他站了起来,大步走到他的办公室一头的一个档案柜前,拉开一个抽屉。他拿出一个银十字架,一边摇晃着,一边朝我走来。他的声音完全变了,几乎是颤抖地大声问我:“这件东西,您认得吗?”我说:“认得,当然认得。”于是他很快地、热情洋溢地说他相信上帝,他的信念是任何一个人也不会罪孽深重到上帝不能饶恕的程度,但是他必须悔过,要变成孩子那样,灵魂是空的,什么都能接受。他整个身子都俯在桌子上,差不多就在我的头顶上摇晃着十字架。说真的,他的这番推理,我真跟不上,首先是因为我热,他的办公室里有几只大苍蝇,落在我的脸上,也因为我有点儿怕他。不过我认为这是可笑的,因为无论如何罪犯毕竟还是我。可是,他还在说。我差不多听明白了,据他看,在我的供词中只有一点不清楚,那就是等了一下才开第二枪这一事实。其余的都很明白,但这一点,他不懂。